Chapitre 3. Les premiers essais d’analyse juridique.C’est à l’époque classique que vont être élaborées les premières définitions et classifications concernant le contrat (section 1), le délit (section 2) et l’obligation (section 3), ainsi que les premières théories, il est vrai plutôt modestes (section 4).
Section 1. Le Contractus.
Au cours de l’époque classique les Romains sont parvenus à la synthèse de l’idée de contrat d’une part en définissant le mot, d’autre part, en proposant une classificationA. La définition du contrat.On trouvait dans l’édit du prêteur des mots divers employés comme synonymes : ACTUM, GESTUM, NEGOTIUM, CONTRACTUM. En trois étapes le mot de contrat va être isolé et défini.Pour Labeon –qui est proculien- c’est « une obligation de part et d’autre, ce que les grecs appellent SYNALLAGMA, tels la vente, le louage ou la société ». Ce sont donc des opérations qui dès leur formation font naître des obligations réciproques entre ceux qui se mettent d’accord, se rencontrent (CUM VENIRE = convention).On le voit une telle définition ne retient que les contrats synallagmatiques et exclue tous les contrats unilatéraux. Bien sûr, gestion d’affaires et paiement de l’indu n’entrent pas davantage dans cette définition, puisqu’ils n’ont pas à leur base de convention.Pour les Sabiniens au contraire, le mot Contractus englobe toute affaire toute opération juridique licite : ainsi pour Julien et Ulpien, juristes de la fin du II° et du début du III° PC, le mot CONTRACTUS n’est pas caractérisé par l’existence d’une convention mais par toute opération juridique donnant naissance à une obligation même si l’intervention des parties n’avait pas été de créer des obligations. Cette définition large englobe tous les contrats de même que la gestion d’affaires et aussi le paiement de l’indu.Il semble que ce soit un Sabinien qui, gêné par la conception trop vaste de son école, ait repris la thèse proculienne en l’améliorant. Gaius en traitant du paiement de l’indu remarque que l’obligation ne naît pas ex contractu car celui qui a versé, se proposait de mettre fin à une obligation, à « distrahere » et non pas à « contrahere ». Il proposa donc plus tard de classer dans une catégorie nouvelle ces opérations : les futurs quasi contrats. Sera donc contractus tout acte licite caractérisé par une convention conclue entre deux ou plusieurs personnes destinée à créer une obligation ou plusieurs et sanctionnée par une action (on notera la différence avec la définition moderne puisque le principe de typicité du droit romain refuse l’action au pacte nu et que pour être « contrat », il faut que le droit ait prévu une action. Ce n’est pas la volonté des parties qui fait le contrat). Mais on notera aussi le fait que Gaius exclu de sa définition les pactes et « contrats innomés » sanctionnés par des actions prétoriennes in factum puisque à proprement parler ces opérations ne créent pas des liens de droit, des obligations.B. La classification des contratsOn ira ici très vite puisque la deuxième partie du cours reviendra sur cette question. Il y a selon Gaius quatre catégories de contrats, classés selon leurs sources, leur cause efficiente : les contrats verbis, qui se forment par des paroles solennelles, les contrats re (qui se forment par le transfert d’une res), les contrats litteris (qui se forment par la rédaction d’un écrit) et les contrats qui se forment consensu, c’est-à-dire par le simple échange des consentements. Vous noterez ici encore l’absence des pactes et « des contrats innomés » que l’on appelle en droit classique les « nova negotia ».
Section 2. Le Delictum
Nous avons vu que dans l’ancien droit, le délit a cet effet de placer le « coupable » sous la puissance physique de la victime et que le paiement de la poena le libère. En droit classique l’assimilation de l’obligation contractuelle et de l’obligation délictuelle fait des progrès. Pour les classiques est désormais Delictum tout acte illicite qui donne naissance à l’obligation de payer une certaine somme d’argent à la victime. Cette idée a été lente à se faire admettre mais une fois admise au cours du I° et du II° PC, elle a contribué à rapprocher l’obligation délictuelle de l’obligation contractuelle puisque l’on considère l’auteur du délit comme tenu du devoir juridique de payer la poena (comme la partie à un contrat est tenu de payer) alors qu’à l’époque précédente l’action de la victime ne visait qu’à faire constater le délit. Désormais le procès porte à la fois sur le fait du délit et sur sa conséquence juridique : la condamnation.Sur la base de cette définition, on retiendra trois choses :A. D’une part, à côté du délit civil, les juristes classiques reconnaissaient des situations n’entrant pas dans le cadre de cette définition (il y a là un parallélisme avec les contrats et les pactes prétoriens), car à proprement parler ne faisant pas naître une obligation. Ils reconnaissaient :
1) l’existence d’actions pénales in factum délivrées par le prêteur dans le but de réprimer le dol et la violence destinés à entraîner quelqu’un à accomplir un acte juridique ou matériel préjudiciable, ainsi que la fraude contre les créanciers, commise par un débiteur insolvable (action paulienne). De nos jours nous parlons de délits prétoriens mais le mot n’est pas romain.
2) l’existence de situations pour lesquelles une personne est tenue comme si un délit avait eu lieu (quasi ex delicto), sanctionnées par l’action prétorienne de effusis et dependis et de positis et suspensis... (d’une maison tombe un objet qui cause un dommage à un passant ; un objet est lancé d’un navire). Ici aussi le magistrat délivre des actions in factum. Il le fera également pour ceux qui tiennent certains animaux dangereux dans des endroits où tout le monde peut passer.
3) La responsabilité des armateurs, hôteliers ou maîtres d’écurie, lorsque leurs préposés volent ou causent un dommage aux biens des clients : responsabilité objective.B. Avec cette nouvelle conception dans laquelle le coupable est tenu de payer s’est imposé la nécessité de régler le sort de ceux qui ne peuvent le faire : fils de famille, esclaves... et animaux, puisque dans la conception romaine c’est l’illicéité qui fait le délit et non la culpabilité. Le fait matériel entraîne l’obligation sans qu’il y ait à analyser la responsabilité de l’agent ayant commis le délit. Logiquement, c’est au Paterfamilias qu’il reviendra de payer, sans que l’on puisse ici retenir l’idée d’une faute, l’idée de responsabilité du fait d’autrui. En effet, c’est le fait d’exercer la puissance au moment de la condamnation qui induit le paiement (et non au moment de la commission du délit). D’autre part, le Paterfamilias a le choix : il peut payer ou abandonner. On appelle ces actions, noxales, du latin « Noxa » qui signifie tort, préjudice, dommage (pour les animaux, on parle d’action de pauperie (pauperies signifie « dommage »).C. Comme pour les contrats, les améliorations successives se sont faites, comme on l’a déjà souligné, dans le cadre de la typicité. Ainsi, l’élargissement du droit dans ce domaine s’est produit de manière progressive au sein de chaque délit nommé. C’est ainsi que pour le furtum, on a étendu la répression (limitée dans l’ancien droit à la soustraction frauduleuse de la chose ou à sa découverte entre les mains de quelqu’un) au fait de détourner la chose d’autrui à son profit (on use d’une chose remise en dépôt, on abuse d’une res prêtée) ou de reprendre une chose de force à celui à qui on l’avait remise (créancier gagiste, commodataire). De même pour l’injuria, nous savons qu’aux amendes fixes de l’ancien droit est venu se substituer une action estimatoire d’injures. En outre, des édits spéciaux sont venus sanctionner des situations non prévues : cris injurieux, attentats à la pudeur, écrits injurieux. Enfin, pour le Damnum, nous avons vu que l’analyse du mot injuria avait permis de développer l’idée d’une responsabilité sur faute.La démarche entreprise dans une optique de typicité n’a pu toutefois combler toutes les situations et, faute d’une théorie générale de la responsabilité civile, on peut constater que certaines situations ontlaissé perplexes les juristes. Par exemple, les progrès réalisés ont laissé sans réparation le dommage non intentionnel causé à un homme libre puisque d’une part le Damnum ne concerne que les objets, les animaux ou les esclaves et que d’autre part lorsqu’il s’agit d’un dommage causé à un homme libre le droit exige l’intention de nuire pour que l’injuria s’applique. Par conséquent le dommage non intentionnel causé aux hommes libres ne peut pas être réparé.Un exemple permet de mieux le comprendre : un Paterfamilias place son fils en apprentissage chez un cordonnier. Ce dernier voulant corriger son apprenti lui crève un oeil accidentellement avec une alène. Aucune action n’est possible puisque l’injuria rend nécessaire la volonté de nuire. Si l’apprenti avait été l’esclave du Paterfamilias, le Damnum aurait pu jouer. Les juristes ont imaginé deux palliatifs. L’un (Julien) a proposé de donner au Paterfamilias l’action locati, c’est à dire de se placer dans une optique de responsabilité contractuelle. Un autre (Ulpien) a proposé de traiter ici l’enfant, qui est sous la puissance du Paterfamilias, comme un esclave et de faire jouer la loi Aquilia, c’est à dire l’action du Damnum.
Section 3. L’obligatio
A. La définition.
Les classiques (alors que le droit moderne s’élève jusqu’à la notion synthétique de l’autonomie de la volonté), ne se font pas encore de l’obligation une idée totalement abstraite et la définition du jurisconsulte Paul au début du III° insiste sur le contenu de l’obligation.« La substance des obligations ne consiste pas en ce qu’elle rend notre une chose matérielle ou une servitude mais en ce qu’elle astreint un autre individu envers nous à Dare (DARE= DATION, transfert de propriété, et non DONATION), Praestare (à nous fournir quelque chose, c’est à dire à remettre une chose sans transférer la propriété ou à garantir un certain résultat, par exemple assurer la garde d’un objet, ou être responsable de sa faute, l’expression finissant par désigner toute prestation généralement quelconque), Facere (à faire quelque chose, au sens large, ce qui englobe l’abstention, le non facere, ce que d’une certaine façon le praestare englobe aussi).Cette définition est importante car elle dégage les deux éléments sur lesquels repose la notion de l’obligation : la contrainte (ou responsabilité) et le devoir juridique.La contrainte « astreinte » c’est ce qui permet l’exécution de l’obligation. Elle ne sera possible que dans les hypothèses où le droit reconnaît la possibilité d’une instance et délivre un moyen de procédure une action. C’est donc une conception limitée puisque dans l’hypothèse du pacte nu (sauf exception) il ne faut pas compter sur une sanction procédurale.Le devoir juridique c’est l’action ou l’abstention : Dare, praestare et Facere.C’est donc une définition très réaliste, non idéalisée qui se modèle sur les rapports humains tels que les imposent les développements de la vie sociale et économique et les romains ne dégagent pas – même lorsqu’ils emploient sous la plume de Paul et Ulpien à la fin de l’époque classique, l’expression de vinculum juris, lien de droit – le principe d’autonomie de la volonté, volonté encore jugulée par la typicité et le formalisme.Le droit classique développe cependant une autre idée, celle d’obligation naturelle. A côté de l’obligation civile, la notion d’obligation naturelle, encore inconnue de Cicéron se trouve pour la première fois chez Sénèque au temps de Néron, mais ce sont les classiques qui en dégageront les premiers éléments avant que Justinien n’en fasse la théorie d’ensemble.Le point de départ a certainement été les contrats passés par les esclaves. Soumis à la puissance du Paterfamilias, ils n’ont aucune capacité et ces contrats passés avec leur maître ou un tiers ne fait naître ni créance ni dette. On décide à la fin du 1er siècle début du 2ème que ces contrats produirontdes obligations naturelles futures c’est à dire qu’une fois affranchi l’esclave, l’obligation doit être payée.De là vont s’ébaucher progressivement, cas après cas (fils de familles, impubères, etc..), les principes qui dominent la notion d’obligation naturelle. L’obligation naturelle ne donne aucune action au créancier mais si le débiteur a payé le paiement est valable : la restitution fondée sur le paiement de l’indu n’est pas possible. L’obligation naturelle ne se confond pas avec le devoir moral. Celui-ci n’entre dans aucune catégorie juridique, au contraire l’obligation naturelle peut être payée, novée, cautionnée, garantie par un gage ou une hypothèque. Elle est un élément du patrimoine actif et passif.B. La classification des obligations.Tout naturellement cet effort d’analyse aboutit à une classification basée sur la source des obligations, c’est-à-dire sur l’acte juridique ou le fait qui leur a donné naissance. Les institutes de Gaius distinguent deux sources essentielles d’obligations : OMNIS ENIM OBLIGATIO VEL EX CONTRACTU NASCITUR, VEL EX DELICTO ». Cette classification est perçue comme la summa divisio.Cependant dans une autre classification aussi attribuée à Gaius (mais on en doute) on introduit une troisième catégorie, sorte de « fourre tout » dans lequel on place toutes les obligations qui n’entrent pas dans les deux premières mais proviennent d’un droit propre, de diverses espèces de causes (ex variis causarum figuris) : ces cas sont ceux dans lesquels les débiteurs paraissent être tenus comme s’ils avaient passé un contrat ou comme s’ils avaient commis un délit : quasi ex contractu et quasi ex delicto.Cette contradiction a été expliquée par une différence entre les Institutes, destinées aux étudiants, et les « Aurei », ouvrage plus complexe.Mais cette contradiction peut être résolue autrement. A parler exactement Gaius se borne à constater que dans leurs effets certaines opérations juridiques ressemblent aux contrats ou aux délits et sa classification tripartite n’est pas en fait opposée à la classification bipartite. Celle-ci prend en compte la source des obligations, celle-là les effets et donc les actions personnelles : Gaius ne parle pas de quasi-délits ou de quasi-contrats, il parle de débiteurs tenus comme s’il y avait eu un délit, dans un simple rapport d’assimilation relatif aux effets de l’opération envisagée. Gaius comparait aux délits, un certain nombre d’actions données par le prêteur, dont le résultat était comparable à celui des actions données pour le délit civil. En effet pour Gaius et les classiques, il ne peut y avoir que des obligations CIVILES, c’est-à-dire émanant du Doit civil et les interventions du prêteur ne sauraient être rangées parmi elles car si le prêteur crée des sanctions (ACTIONS PRETORIENNES) il ne saurait créer des OBLIGATIONS. La summa divisio des obligations reste bipartite. C’est la classification des actions qui, elle, est tripartite.
Section 4 : Les Premières théories
Le droit classique n’a développé qu’un nombre modeste de théories mais bien des éléments de théories futures sont déjà en germe dans les réflexions entreprises. Pour ce qui nous concerne, on notera que se dessine une théorie sur la formation du contrat et ses éléments constitutifs : consentement, objet, cause. Au début du II° siècle un jurisconsulte peu connu PEDIUS écrit « Il n’y a pas de contractus qui n’ait en lui une conventio » et donc pas de contrat – même formaliste – valable sans consentement : consentir, c’est convenir ensemble, avoir une communauté de sentiments. Quelque temps plus tard, Papinien commentant l’édit du prêteur rappelait « que le droit public ne peut être changé par les pactes des particuliers », allusion à l’objet et donc à l’interdiction des contrats illicites. Enfin en diverses occasions, les juristes classiques admettent des effets juridiques, liés à l’absence de cause, à la disparition d’une causa, à une causa réprouvée. Sur tous ces points pourtant, les juristes classiques, loin de bâtir des théories générales, feront preuve d’un grand réalisme.Ainsi pas de théorie des vices du consentement mais la prise en considération cas par cas d’événements qui tantôt opèrent une nullité pro jure, tantôt seulement « officio praetoris ».Ainsi par exemple est NULLUS ipso jure le contrat sans consentement ou donc l’objet est impossible (livraison d’un centaure) ou immoral ou illicite, ou pour lequel il y a erreur sur l’objet de telle sorte que le consentement est inexistant. Par contre d’autres nullités ne sont sanctionnées qu’en vertu d’un moyen spécial qu’il faut demander au prêteur. Ainsi sont apparus au I° siècle avant JC les moyens délivrés par le prêteur pour réprimer le dol et la violence, considérés comme des délits (délits « prétoriens »), ou prendre en compte la LESION lorsqu’un mineur de 25 ans a acheté un bien trop cher ou l’a vendu trop bon marché.Quant à la cause, les jurisconsultes, dès le I° siècle avant JC sous l’influence de la philosophie grecque et l’idée d’équité déclarent bien que « selon l’équité naturelle nul ne doit s’enrichir au détriment d’autrui » et qu’il « est contraire à la nature de conserver une chose retenue sans cause ou en vertu d’une cause injuste ». Mais l’enrichissement sans cause ne sera pas une théorie juridique, pas plus que la prise en compte de la cause comme condition de la formation du contrat.Sur tous ces points, les applications ponctuelles fourniront des matériaux aux siècles suivants.
jeudi 3 mai 2007
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VOCABULAIRE DROIT DES OBLIGATIONS
La représentation: mécanisme juridiq p/ lequel un représentant conclu un ct pr le compte de représenté dont le patrimoine dvp les effets du ct.
Le mandat: ct p/ lequel le mandant donne a une autre pers, le mandataire, le pvr d'accomplir en son nom et pr son compte un ou +ieurs actes jû selon l'étendu de la représentat°. Les effets se pduisent ds le patrimoine du mandataire.
L'infraction: acte expressément désigné p/ un texte et donc interdit. Cet acte peut ê soit une act° soit une omiss°.
Acte: fre qq chose ou s'abstenir de fre qq ch .
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